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Ecrire sa voix

 

 
 

Anastomose 
entre  bas-ventre, souffle et cordes
Racines ancrées dans un corps à l’histoire pleine
dense
ramifiées jusque dans l’intime

Frondaison aux prises avec le vent
ma voix souvent plus branchue que feuillue
s’affirme parfois 
plus qu’elle ne devrait

Mon être ne s’évapore pas 
il reste là
à l’intérieur
et ne sort qu’avec force et cri

Ma voix est celle du baobab
à l’écorce de cordes
et aux fruits doux comme le coton

Ma voix est celle du chêne
tout au fonds du terrain
bravant orages océaniques 
et solitude incarnée

Elle est émergence de cépées
éléments rescapés
ajustements spontanés
pour défier le soupir

C’est parfois une voix de grain
brusque comme un éclair
chargé d’un trop-plein

souvent celle de ferrement
avec comme un cisaillement
en fonds de gorge
une voix entre fêlure et pleurs

Cette voix trop longtemps couverte
par fratrie et cohorte d’internat
cette voix au désir d’existence
présente encore 
un besoin d’étayage
de douceur et tendresse
un besoin de liens souples pour 
lui permettre de se balancer légèrement
entre étranglement et vibrations
respiration et débit

Ma voix à l’éclat de violettes
a la générosité des bourraches
et la saveur des mûres

Ma voix a l’ardeur du piment
et la vigueur de l’indigo 

Ma voix, profondeur de l’outre-mer

 

 

Je t’entends, voix, je suis de l’intérieur un peu voilée mais tellement moins grave qu’en réalité.  Est-ce que ma résonance intime plus féminine que ton organe ne veut bien l’exprimer, révèle une dichotomie ? D’où viennent tes sons éjectés, éjaculés dans des sauts de grenouille ? De quelle espace viens-tu, voix de stentor. A t’entendre à distance je me sens double. Résonne en moi un autre moi, plus profond, venu des abysses. Je voudrais bien couler des montagnes, avoir la sonorité d’un ruisseau à l’eau claire, venir d’une nature limpide, avoir la douceur d’un voile aérien à travers lequel des perles d’air effleureraient ma glotte.  
Je suis ta voix de chat sauvage, libre et sonore. Je sonde tes origines et exprime tous les souvenirs enfouis de ton corps. Je suis une voix ombrée qui rêve de chants et de chorales, de vibrations et d’échos. Je suis ta voix singulière avec laquelle on te reconnaît. Je suis ta voix de lionne et celle des cigales qui frotte, gratte et joue de l’air dans tes cordes ouvertes. Et j’entends moi aussi, voix, ton intérieur complainte et arioso, ta voix qui ne dit mot et ne veut dévoiler tes inquiétudes et tracas. Parfois dans tes litanies, tu invoques et espères et pries pour les tiens. Pas de concetto, non, les traits d’esprit sont rarement à l’œuvre dans ta voix intérieure. Mais beaucoup de considération pour les uns et aussi les autres. Les badinages tu me les réserves. Il est vrai qu’à haute voix il y a plus d’effets. Mais dis-moi, voix, crois-tu que si tu parvenais à dire ce que tu as au fond de ta gorge tu éclaircirais la mienne ? Relèverais-tu le défi d’aller dans ton sein et d’expurger enfin ce qui tord l’air qui passe entre tes cordes ?
Relever des défis ? Maintenant ? Il me semble que tu m’octroies des forces qui semblent me manquer et puis tout n’est-il pas qu’illusion ? Les souvenirs sont tronqués, les manques comblés et si je me compare au reste du monde, et bien je ne pense pas si mal m’en sortir…

Claire Escuillié

 

 

 

 

 

 

 

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